lundi 3 juin 2013

Quand le Judge Dredd traque un terminator haut de gamme !




On reste dans l'univers des comics et dans la SF, mais on part dans un monde réellement différent de mes dernières présentations... 

La sortie encore assez récente d'un nouveau film sur le sujet (plutôt un bon film en prime, fidèle à l'univers de la BD), avec Karl Urban dans le rôle principal, a eu le bon goût de ressortir aux yeux des spectateurs un personnage hors norme : le Juge Dredd !

Et donc, cela a occasionné la ressortie de BD sur le sujet.

Pour ceux qui ne connaissent pas, Judge Dredd, c'est quoi ?


Les Bases :

Nous sommes dans le futur. Un futur post-apocalyptique qui plus est, dans lequel le monde a été depuis bien longtemps ravagé par des guerres nucléaires ayant laissées derrière elles une terre aride, hostile, et fortement irradiée où ne survivent que des mutants dégénérés.

Le reste de le population s'est retranchée dans des méga-cités de plusieurs centaines de millions d’âmes. Ces cités sont tentaculaires, et les gens s'y entassent dans d'immenses blocs de béton décrépis où la pauvreté et la criminalité règnent.

La police n’existant plus depuis longtemps, l'ordre y est maintenu par les Juges et ils y ont tout pouvoir. A la fois juges, jurés et bourreaux, ils rendent une justice violente, extrême et parfois (souvent ?) fasciste d'une manière impitoyable, immédiate et sans compromis. Leur credo : La violence comme arme contre la violence. Ils sont la Loi.

L'histoire prend donc place dans l'univers de Méga-cité One, regroupant des villes comme New-York ou Washington, elle s'étend sur l'équivalent de toute la cote Est américaine et on y suit le quotidien du Juge Dredd, le plus craint et le plus intransigeant de tous les juges de la ville. Il est le symbole ultime de la Loi.

Le juge, d'une manière générale, est caractérisé par sa moto surpuissante, son arme spécifique (le Lawgiver ou "dispenseur de Loi"... évocateur, non ?) capable de tirer différents types de munitions choisis à la voix (c'est cool le futur pas vrai ?) et son casque à visière teintée qu'il ne retire jamais... Déshumanisant définitivement celui qui se trouve en dessous et renforçant son approche impitoyable.


Quelques précisions :

L'univers et le style des différentes BD "judge Dredd" existantes est loin d'être tout public ! Sorti en 77 pour un public adulte et averti, le contexte socio-économique de l'époque et son évolution jusqu'à nos jours ont modelé une bonne partie de l'univers de cette bd : publié au départ dans le magasine anglais 2000AD, l'univers sombre, violent et brutal du juge permettent à ses auteurs de dénoncer les problèmes de nos sociétés modernes : le chômage, la pollution, les ghettos et leurs guerre de gangs, etc...

C'est pour cela que beaucoup risquent d'être surpris en lisant les aventures du juge Dredd avec les éditions Intégrales chez Soleil (ou "Heavy Métal") : les histoires ne font que quelques pages (format imposé par le magasine), et l'univers pourtant si riche et développé ne s'y dévoile que très peu afin de laisser place aux affrontements et gunfights violents.

L'album choisi aujourd'hui ne l'est pas par hasard, outre une bonne BD SF avec une histoire sympa se situant dans l'univers du juge Dredd (qui n'a ici pratiquement qu'un rôle secondaire), elle présente également suffisamment les choses pour pouvoir convenir au plus grand nombre, même aux néophytes complet.


Mandroid :

"L'album du jour" réunit en fait deux blocs de 74 planches chacun, écrits par John Wagner, l'un des deux co-créateurs de Dredd. La première partie est dessinée par Ken Walker (qui colorise également), et la seconde par le tandem Simon Coleby et Carl Critchlow.

L'histoire est celle de Nate Slaughterhouse. Un vétéran de la guerre qui est retrouvé déchiqueté dans les restes de son armure de combat après un terrible affrontement. Déchiqueté mais vivant ! Son corps meurtri doit être cybernétisé afin qu'il survive.
Le marine maintes fois décoré se retrouve donc en retraite prématurée et rendu à la vie civile.

Il découvre alors la réalité de ce pour quoi il croyait combattre... La ville qu'il protégeait se dévoile à lui sombre, glauque, et où la violence et les guerres de gangs font rages. La présence et la compétence des juges pourraient être rassurantes... S'ils étaient en nombre suffisant pour faire face sur tous les fronts. La déprime s'installe alors dans l'esprit de l'ex militaire, d'autant plus qu'il a du mal à accepter son nouveau statut d'homme mécanique.

Sombrant doucement mais surement dans une dépression le conduisant à la folie suite à la disparition de sa femme et à l'agression qui coûta la vie à son fils unique, il devient un justicier hyper-brutal, avide de vengeance et reportant son malheur autant sur l'existence des délinquants de tous poils que sur les juges dont il conteste l'efficacité.


L'ex Space marine Nate Slaughterhouse sombre dans une folie violente.


Intérêt :

L'histoire porte son lecteur du début à la fin, au travers des yeux du space marine, véritable point centrale de l'histoire. On découvre toute la noirceur de cette Méga-cité One noyée sous la délinquance. Le climat y est aussi froid que les tempêtes de neige qui s'abattent sur la ville au moment des faits.

Malgré un travail continu, et une ténacité de pitbull, les juges ne peuvent faire face à tous les crimes commis quotidiennement dans l'enceinte de la cité. Et c'est ce que le vétéran Nate Slaughterhouse va découvrir. 
C'est un personnage mal dans sa peau, fraîchement sorti du carcan militaire où il était considéré comme un héros de guerre, qui se retrouve projeté avec sa famille dans un des trop nombreux ghettos de la méga-cité.
Son nouveau statut d'homme mécanique est un fardeau déjà lourd à porter sur ses épaules : mal compris, peu valorisé, il vit mal ce sentiment de "déshumanisation".
La disparition de sa femme suivi par le meurtre de son fils un peu plus tard achève de le mettre aux pieds du mur : il ne peut plus s'appuyer que sur la présence des juges, et la promesse du juge Dredd de mettre un terme à cette spirale où Slaughterhouse s'enfonce.

Malgré leurs efforts des défenseurs de la Loi, et les suspicions envers quelques intouchables de la cité (et oui, même dans le futur, les inégalités de classe et les passes-droits de ceux qui savent "jouer sur le fil de la Loi" existent), Nate s'enfonce dans l'isolement, l'incompréhension et le dégoût pour cette cité qu'il a protégé. C'est ainsi qu'il décide de se faire justice seul et de trouver ses réponses.
Et malgré tout le respect que Dredd témoigne à ce vétéran de guerre et de l'aide qu'il veut lui apporter, on ne transige pas avec la Loi, et se faire sa propre justice n'est définitivement pas tolérable.

L'univers, la ville et les personnages s'ouvrent aux lecteurs et permettent, comme je le disais plus haut, à tous de les découvrir, même à ceux ne connaissant pas du tout Méga-cité One et ses occupants.

Attention toutefois : 

La contrepartie est que l'ensemble, même s'il soulève des vraies questions sur nos sociétés modernes, se révèle "assez lisse" et moins violent pour être accessible à un auditoire le plus large possible. On s'éloigne dans cet oeuvre de l’univers TRÈS Cyber-punk trash des origines et du juge (qui n'est plus ici LE centre de l'histoire) tout puissant et impitoyable, qui est aussi cynique qu'impartial et brutal. 
L'ensemble reste malgré tout fidèle et raconte une histoire sombre qu'on suit avec intérêt.

La seconde partie, à la manière d'une suite hasardeuse d'un film d'action ayant fait un carton, celle-ci se montre plus plate que la première, laissant plus de place à l'action et moins à un développement intéressant de l'histoire (mais donc, de fait, peut être un peu plus conforme à la narration type d'une aventure de Dredd ?). Mais l'ensemble forme un tout très convenable.

Mais pour ces différentes raisons, ce double-tome reste un peu un OVNI dans l'univers général de "Judge Dredd".



Graphiquement :

Le style graphique utilisé dans cet oeuvre est, comme pour la narration, nettement moins brutal que ce dont on nous a habitué quand on lit une BD "Judge Dredd".
Les BD des débuts, en noir et blanc, avaient ce coté un peu "brouillonnes", limite dessin "graphiti" par moment,  et dans l'esprit "futur décadent cyber-punk" façon "Métal Hurlant".
Quand aux œuvres couleurs, même constatation que pour la comparaison ci-dessus : On est loin des couleurs flashy et tranchées, le style radical, brut de fonderie, sans concession des dessins originaux du magasine. On retrouve ici une coloration plus posée, sur un jeu de teintes assez pales, traduisant l'atmosphère sans espoir de cette cité et de l'état d'esprit du Mandroid.
(Feuilletez l'album "Heavy Métal" chez soleil par exemple pour comparer et vous comprendrez mieux mon propos).

Les deux tomes n'ayant pas été interprétés par les mêmes dessinateurs, la transition se fait sentir.
La finesse du trait de Ken Walker et son talent de coloration font des merveilles dans la première partie de ce livre, l’atmosphère créé est oppressante, et l'absence fréquente d'arrière plan focalise toute l'attention sur les personnages et renforce le sentiment de solitude et d'isolement qui envahit le protagoniste principal : l'ex-Marine Nate Slaughterhouse.
La seconde partie, celle confiée conjointement à Simon Coleby et Carl Critchlow, nourrit un trait plus dur, des contrastes plus fortement marqués dans les zones sombres, et également, des couleurs plus chaudes et vives par moment. C'est un peu plus vivant, plus dynamique d'une certaine manière, un peu comme la transition entre ces 2 parties, où la première raconte une histoire, et la seconde remue un peu plus.

En conclusion,

Ce tome ne permettra pas de découvrir complètement le personnage du juge Dredd, mais il permet à tout un chacun de lever le voile sur une partie de son univers et de son quotidien. Par le biais d'une bonne histoire de science-fiction racontant la descente aux enfers d'un pauvre ers, ce double tome permettra en outre de découvrir en filigrane un juge Dredd "plus humain" qu'accoutumé.
Bref, une manière d'aborder cet univers pour le plus grand nombre en évitant de basculer dans le trash et l'hyper violence.

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